Les fondements de toute société sont relativement liés à des valeurs morales qui spécifiquement s’identifient autour des agents de socialisation. Chacun de ces éléments de socialisation a un rôle fondamental à jouer dans l’établissement d’un état de droit en protégeant surtout les acquis ancestraux qui établissent l’essence même de la socialisation sur laquelle fondent les piliers génétiques d’une société moderne et civilisée. Le monde moderne définit le concept socialisation comme étant un processus d’apprentissage qui permet à un individu, en général pendant l’enfance et l’adolescence, de s’adapter et de s’intégrer à son environnement social et de vivre en groupe. En outre, la socialisation nécessite l’acquisition et l’intériorisation des modèles culturels, des pratiques, des normes sociales, des règles de conduite et des valeurs de la société dans laquelle vit l’individu. De ce fait, l’Etat, l’école, la famille, l’église et d’autres groupes organisés d’une société sont entre autres des agents de socialisation, également appelés à transmettre aux générations futures le respect des normes formelles.
L’Etat dans sa prérogative a pour mission de protéger ses nationaux, en un mot il s’est fait l’organisateur de la vie économique et sociale du territoire. Cependant dans le cas de notre société, l’Etat est constitué surtout par certains hommes de notre élite intellectuelle sans scrupules ni consciences philanthropiques qui ne font que la politique comme métier pour gagner à tout bout de champ leur gain sordide sans tenir compte que le poids de leur méchanceté sera un cauchemar pour nos jeunes qui auront à payer durant toute leur vie le prix des crimes que ces derniers auraient commis pendant leur existence honteuse. La dilapidation de 3.8 milliards de dollars américains du fond Petro Caribe est un crime économique abominable contre ce pauvre peuple qui est en train de vivre à l’état de nature et sauvage malgré l’évolution du temps. C’est la plus grande catastrophe de corruption et de détournement de fonds publics dans laquelle s’impliquent certains de nos politiciens haïtiens. Le pire, ces malfrats veulent se faire passer pour des innocents avec la complicité de la justice haïtienne. Entre-temps, le calvaire de ceux qui croupissent dans la pauvreté s’amplifie chaque jour, sans aucun espoir d’un demain meilleur.
Après le départ de l’ex-président Jean Claude Duvalier en 1986, certains avaient cru que la question de corruption qui baladait dans nos institutions était complètement éradiquée et les murs qui constituaient les barrages de nos divisions ont été définitivement renversés. Ils pensaient qu’une nouvelle Haïti allait renaître en vue de reconstruire la pyramide de notre unité de peuple, alors que plus de 30 ans après, nous sommes toujours un Etat encombrant, délinquant et corrompu dirigé par des ramassis d’hommes, frappés de la névrose. Consciencieusement, nous devons admettre que cette classe dirigeante n’est pas en mesure de nous rallier ou proposer une alternative de sortir de crise, capable de nous diriger vers le développement durable, puisque la formule dont ces hommes politiques utilisent pour tirer profit de leur entreprise serait démodée. L’accession au pouvoir d’un novice battant comme monsieur Jovenel Moïse affirme clairement que cette classe politique vieillissante et irresponsable atteint son apogée. C’est l’effondrement total d’une génération d’hommes au cerveau virulent qui depuis 1804 à nos jours n’est pas capable de restaurer et de faire restaurer l’autorité de l’Etat. Ils ont intentionnellement ignoré que les manifestations violentes, l’incendie, le pillage et le cambriolage des biens d’autrui pour accéder au pouvoir ne font qu’appauvrir le pays.
En effet, nous sommes arrivés à un moment de notre histoire de peuple où l’on a l’impression que les valeurs morales de cette nation ont tendance à disparaître. Par conséquent, le recours à cette dérive effrénée serait un système d’éducation équilibré, fondé sur des valeurs universelles parce que l’éducation est un facteur transversal permettant de lutter contre la criminalité, la délinquance juvénile et de favoriser le développement d’un ensemble de connaissances et de valeurs morales, physiques, intellectuelles pour atteindre le niveau de maturité du nouvel ordre mondial. Malheureusement, on a fait un constat d’échec de nos institutions scolaires, particulièrement au niveau des universités. Il est connu que des hommes armés et cagoulés avaient l’habitude de faire irruptions dans l’enceinte de certaines facultés du pays pour essayer de maîtriser des soi-disant étudiants qui tentaient d’y mettre le feu en vue de faire passer une quelconque revendication. Ces prétendus étudiants affichent fréquemment des comportements répréhensibles, pires qu’un commun des mortels. Cette situation tumultueuse provoquerait explicitement un climat de peur, empêchant aux professeurs de dispenser normalement leurs cours et certains auraient abandonné leur chaire en s’adonnant de façon involontaire à d’autres activités pour survivre. Péremptoirement, nous devons admettre que certains de ces étudiants seraient des principales victimes d’un système éducatif pourri caractérisé par l’inefficience, l’indécence et l’irresponsabilité des dirigeants sans vergognes qui ne pensent qu’à leurs poches. En fait, de très souvent les jeunes qui sont les mieux éduqués du pays sont abandonnés et mêmes jetés sur le pavé de la misère parce qu’ils refusent d’être corrompus. Le Parlement haïtien en est la preuve tangible de notre rabaissement comme société. Il suffit tout simplement de considérer cette institution parlementaire comme étant un miroir à l’aide duquel vous pourriez regarder l’état dans lequel se trouve la déchéance de la société haïtienne. Cette institution parlementaire est une honte nationale qui plonge tout le pays dans une insalubrité institutionnelle abominable depuis des années.
Quant à la société civile haïtienne, c’est le trait d’union entre les corrupteurs et les corrompus, elle joue son petit caprice, prétendant toujours vouloir jouer le rôle d’arbitre dans certaines crises opposant les protagonistes haïtiens. Pourtant à petit feu, elle thésaurise son excédent en faisant une sorte de diplomatie publique. En effet, selon Maurice Kameo, la société civile c’est “la sphère sociale distincte de celle de l’État et des partis politiques formée de l’ensemble des organisations et personnalités dont l’action concourt à l’émergence ou à l’affirmation d’une identité sociale collective, à la défense des droits de la personne humaine ainsi que des droits spécifiques attachés à la citoyenneté”. En ce qui nous concerne, nous sommes très loin d’avoir une société civile organisée, faisant l’apologie des valeurs républicaines liées à des principes du droit inaliénable des citoyens.
Il est clair que la République d’Haïti devient un Etat anarchique où la justice est vendue aux plus offrants, des ministres de justice décriés, des tribunaux mal-logés, des juges mal-payés et des commissaires du gouvernement insensés. Ceux-ci pourraient justifier que chaque secteur crée son petit monde de sécurité au mépris de tous les principes fondamentaux qui caractérisent les fondements de cette société. Selon une citation de Hyppolite de Livry “Le plus horrible spectacle de la nature, et un des plus communs, est de voir violer la justice par l’homme préposé pour la rendre”. Cette saugrenuité judiciaire engendre particulièrement un problème de sécurité publique aggravant, où presque chaque secteur de la vie nationale possède ses bandes armées pour se protéger. Les activités des groupes armés illégaux qui sont entrain de terroriser des innocents et prendre en otage une bonne partie du pays de connivence avec des grands commis de l’État constituent un affront majeur aux droits de ces compatriotes à pouvoir vivre dans leur pays en toute quiétude d’esprit. Cette situation de violence est une preuve en plus qui justifie que les forces morales de cette société aient nettement failli à leurs missions.
Cependant, la famille, premier agent de socialisation appelée à poser les premières bases dans la formation de l’homme est démissionnée de ses fonctions, à l’exception d’un faible reste incompris. La misère et le désespoir font l’objet des foyers divisés et certains parents agissent comme des résignés vue qu’ils n’ont pas la possibilité à pourvoir aux besoins de leurs enfants. Comme conséquence, les groupes armés augmentent et l’insécurité fait rage, nul n’est à l’abri, des femmes violées, dépouillées et humiliées. La prostitution devient monnaie courante à travers les rues, et des jeunes filles de 15 à 16 ans sont déjà mères. C’est la pagaille totale dans une société en ébullition qui s’apprête à exploser.
L’Eglise qui devrait jouer son rôle d’avant-gardiste est galvaudée par ses dirigeants. On se demande de quoi demain sera-t-il fait? Nous serions tous en état de démence si nous croyions que les soi-disant amis internationaux viendront à notre secours, d’ailleurs ils sont les concepteurs mêmes de cette misère dans laquelle nous sommes en train de ligoter comme des animaux pendant ces trente (30) dernières années.
Pour conclure, personne ne peut en aucun cas prétendre qu’il a une solution tout faite pour diriger ce pays qui défie même la science. Cependant, le dialogue national entre les Haïtiens est la condition sine qua non en vue de la préparation d’une conférence nationale inclusive et souveraine, laquelle conférence consisterait à définir une formule de gouvernance entre tous les secteurs explicitement devant aboutir à un pacte politique allant jusqu’à 25 ans. Il est possible de le faire car des pays comme l’Afrique du Sud, le Bénin, et le Rwanda ont pu trouver un dénouement politique après avoir été pendant des années ravagés par des génocides et des troubles politiques inlassables. Nous croyons que c’est l’unique façon d’identifier parmi nous des braves hommes et femmes pieux au teint fort, capable de défendre les intérêts nationaux avec rigueurs et faciliter le redressement socioéconomique du pays pour qu’enfin Haïti cesse de patauger dans ce marasme économique.