Une nouvelle fois, les classes populaires haïtiennes et les partis politiques de l’opposition ont gagné les rues, dans les grandes villes du pays, en vue de réclamer la démission du Président Jovenel Moïse en ces mois de septembre, d’octobre et de novembre 2019. Ils disent réclamer la tête du Président Moïse pour cause de son incapacité à diriger le pays et son implication dans la dilapidation des fonds Petro Caribe, ainsi que d’autres actes de corruption et de crimes de sang posés par son gouvernement. Les contestations se déroulent sous plusieurs formes, manifestations traînant des dizaines de milliers de personnes et blocages des routes nationales et secondaires avec des barricades. En perspective, les protagonistes exigent la mise en place d’un gouvernement de transition de rupture, de deux (2) ou trois (3) ans, devant aboutir à une nouvelle forme d’organisation de la société haïtienne priorisant la transformation des conditions matérielles d’existence du Peuple haïtien. Ainsi, toutes les forces vives de la nation appuient les revendications de la population. Pourtant, malgré que l’impopularité du Président Jovenel Moïse atteint le paroxysme, une partie de la communauté internationale, particulièrement les États-Unis, continue à le soutenir.
Les causes de la réclamation du départ du Président Moïse
À travers des manifestations et d’autres formes de protestation, les classes populaires haïtiennes, les partis politiques de l’opposition, l’Église et des organisations de la société civile exigent la démission sans condition du Président Jovenel Moïse pour diverses causes. Ils affirment que les données fournies par des institutions haïtiennes attestent l’incompétence du régime du Président Moïse. En effet, le pouvoir d’achat du Peuple haïtien a chuté considérablement, l’inflation se lève à 19, 5 % en septembre 2019. La gourde perd 30% de sa valeur, soit 94 G pour $ 1 US. Le déficit budgétaire est voisin de 20 milliards de gourdes en 2018-2019. Après plus de 7 mois, le Président Moïse est incapable de doter le pays d’un gouvernement légitime. Des entreprises du secteur touristique et autres ont fermé leurs portes. Des ouvriers perdent leurs emploies. Les portes des écoles et des universités restent fermées. La situation sécuritaire s’envenime, entre autres, diverses régions des départements de l’Ouest et de l’Artibonite sont contrôlées par des gangs armées. Les cas d’assassinats au niveau de la Police Nationale et de la population civile sont en nette augmentations. Les hauts dignitaires de l’État impliqués dans des actes criminels sous ce régime restent impunis. Par ailleurs, aucune mesure n’a été prise pour résoudre les problèmes structurels relatifs au chômage, à la sécurité, à la justice, à l’éducation, à la santé, à la production nationale, au logement, à l’environnement, à la nourriture, etc.
Selon les protestataires, le Président Jovenel Moïse et son régime sont impliqués dans plusieurs cas de corruption, sans oublier des crimes de sang perpétrés par ce même gouvernement. En effet, via ses entreprises, le Président Moïse est impliqué dans la dilapidation de 4,2 milliards de dollars américains des fonds Pétro Caribe selon la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA). Monsieur Moïse a usurpé le titre Ingénieur pouvant lui faciliter à signer des contrats avec l’État haïtien. Il est accusé comme quelqu’un qui ne tient pas sa parole en promettant monde et merveille à la population. Bien avant sa prestation de serment comme Président de la République, il était déjà inculpé devant la justice haïtienne pour un dossier de blanchiment d’agent. Et, entre autres, son gouvernement est accusé dans des gaspillages du fond du trésor public, dans les dossiers du programme de Caravane de changement, des kits scolaires, du contrat avec la firme allemande DERMALOG et du contrat d’hélicoptère avec la firme HELICO S. A.
Par ailleurs, des membres de ce gouvernement sont impliqués dans la planification et dans l’exécution du massacre de la Saline à Port-au-Prince, dont environ 70 personnes sont exécutées, selon les rapports du Réseau National de la Défense des Droits Humains (RNDDH) et de l’Organisation des Nations Unis (ONU). D’ailleurs, la population accuse ce régime comme acteur dans les massacres de Carrefour Feuille et de Tokyo – des quartiers de la zone métropolitaine de Port-au-Prince – et de Samarie au Cap Haïtien. Quant aux victimes de cette dernière sortie des masses populaires, on dénombre une cinquantaine de cas d’assassinats par balle selon le journal Le Nouvelliste.
Les protestataires soulignent, de plus, que le Président Moïse n’a pas organisé les élections législatives devant renouveler le tiers du Sénat et de la Chambre des Députés. Pourtant, il ne peut pas organiser aucune élection dans le pays dans la conjoncture actuelle. En effet, tous les secteurs la vie nationale réclament sont départ. Il est devenu donc impopulaire. Il a perdu totalement la confiance de la population haïtienne. Le peuple haïtien, comme un seul homme, veut divorcer avec le système corrompu en place et fonder une nouvelle société. Ainsi, un gouvernement de transition va inévitablement remplacer celui de Moïse ; lequel gouvernement de transition aura des missions spécifiques. En revanche, le Président Moïse veut se maintenir au pourvoir grâce à l’appui d’un secteur de la bourgeoisie haïtienne et une frange de la communauté internationale au mépris de la volonté populaire.
Les attentes des Haïtiens du gouvernement de transition successeur
Les attentes du Peuple haïtien du gouvernement de transition post-Jovenel Moise sont diverses. Elles sont d’ordres politiques, judiciaires, économiques et sociaux. Mais, en Haïti on parle couramment de changement de système.
Au point de vue politique, les attentes du Peuple haïtien du gouvernement de transition post-Jovenel Moïse sont nombreuses. Le gouvernement de transition aura la responsabilité d’organiser un dialogue national devant aboutir à un projet commun pour le pays. De plus, il devra réaliser une réforme constitutionnelle, dans laquelle un autre régime politique sera adopté. Ainsi, le poste de premier ministre sera supprimé; lequel poste est une source de corruption et de marchandage politique en Haïti. Dès lors, un parlementaire n’aura plus la possibilité de voter ou censurer un premier ministre ou un ministre pour pot-de-vin. Le président de la République ira en conséquence aux élections avec son vice-président. Par ailleurs, le nombre de parlementaires qui est actuellement à 148, selon l’actuelle constitution, devra composé de 60 dans la prochaine charte. En outre, on aura un (1) maire par commune au lieu de 3, comme à présent. Certains optent toutefois pour un maire qui jouera à fois le rôle de député pouvant contribuer à éviter des conflits de leadership et diminuer les dépenses de l’État. Et, le nombre de ministres devrait passer de 18 à 12 selon les protagonistes. Ces mesures vont permettre au pays d’économiser des milliards de gourdes.
Par ailleurs, les institutions qui s’occupent de la lutte contre la corruption devraient être renforcées à travers cette réforme constitutionnelle. Puis, ce gouvernement de transition devrait aussi renforcer l’administration publique et définir une autre politique diplomatique haïtienne à travers de nouvelles lois et dispositions. Enfin, l’organisation des élections présidentielles, législatives et municipales fait partie intégrante de la mission du gouvernement de transition. Il est à souligner qu’une grande partie de ces attentes du Peuple haïtien présentées ici, sont déjà inscrites dans une proposition de réforme constitutionnelle effectuée par une commission de l’actuelle Chambre des Députés.
Dans le domaine judiciaire, tout doit se mettre en œuvre à travers cette prochaine réforme constitutionnelle pour rendre ce pouvoir indépendant des points de vue administrative et financière. En effet, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) devrait avoir la pleine autorité et responsabilité d’élaborer, de repartir et d’exécuter son budget. Le CSPJ devrait doter tous les magistrats des moyens, des matériels et des ressources humaines nécessaires pour l’accomplissement de leurs tâches. Puis, la mission de nommer les juges, les greffiers et tous les autres fonctionnaires du dit pouvoir devrait être confiée totalement au CSPJ. Le Commissaire du Gouvernement devrait changer de nom et ne dépendrait plus du Ministère de la Justice. Ce magistrat devrait être nommé par le CSPJ. Par ailleurs, le renouvellement du mandat devrait être automatique pour les juges intègres respectueux de la loi et de la constitution.
De même, des acteurs du pouvoir judiciaire haïtien plaident pour sa modernisation. C’est-à-dire, l’informatisation du système judiciaire et son mis en réseaux, pouvant aider à conserver les dossiers. Par exemple un citoyen qui commet un crime à Port-au-Prince ne pourrait plus trouver un certificat de bonne vie et mœurs à Jacmel. De plus, la lutte contre la corruption au niveau du pouvoir judiciaire nécessite la contribution de tous les acteurs du système. Le CSPJ doit systématiquement effectuer son travail d’inspection sur tous les acteurs œuvrant dans la justice en vue de redorer son image. Puis, tout paiement de services judiciaires devrait être effectué à la Direction Générale des Impôts (DGI) pour diminuer toute éventuelle possibilité de corruption.
Au cours de ce gouvernement de transition, la justice haïtienne aura la responsabilité de faire le procès de Petro Caribe et les autres procès liés à la dilapidation des fonds publics durant les 15 dernières années. Il fera aussi le procès de plusieurs massacres perpétrés en Haïti, dont celui de La Saline. Donc, la justice haïtienne doit se mettre à la hauteur pour juger et condamner tous ceux et toutes celles qui ont violé la loi du pays. Une justice forte pourrait grandement contribuer au progrès d’Haïti.
Sur le plan économique, le gouvernement de transition devrait d’abord diminuer certains privilèges dont jouissent les fonctionnaires de l’État. Entre autres, il s’agit des frais de résidence et de téléphone, des fiches de carburant et de certaines flottes de véhicules. L’État aura donc la responsabilité d’augmenter le budget d’investissement et de diminuer celui du fonctionnement. La production nationale – agriculture et industrie – devrait être la priorité de l’Etat. Puis, l’établissement d’un climat sécuritaire, par l’État, en vue de faciliter l’investissement privé est indispensable. La dotation du pays des infrastructures routières et du courant électrique est également primordiale. En outre, les haïtiens attendent que l’État face une répartition des richesses de manière équitable et dans la transparence.
Dans le domaine social, une politique éducative devant former l’être haïtien d’une seule et même formation de qualité est indispensable. Une politique de création d’emploi en vue de diminuer l’insécurité et la migration de la jeunesse vers l’étranger est aussi nécessaire. Un salaire minimum devant satisfaire aux besoins des ouvriers est primordial. Donc, tous les haïtiens vivant dans le pays veulent et doivent avoir accès à la santé, à l’éducation, à la justice, au travail, à la sécurité, au logement, etc. Tous haïtiens attendent que l’État mette en place une politique basée sur la justice sociale et que tous les citoyens soient égaux devant la loi réellement.
Néanmoins, certains conseillent au Peuple haïtien d’être vigilant. Car, certains membres de l’opposition politique qui prendront le pouvoir ne seraient pas en odeurs de sainteté. Ils pourraient prendre le pouvoir avec la complicité d’un groupe du secteur économique en vue de renfoncer leurs privilèges et de pérenniser le système corrompus en place, sans oublier la communauté internationale qui pourrait imposer sa propre solution comme elle le faisait dans le passé. Par ailleurs, les masses populaires doivent continuer à se mobiliser, par dizaines de milliers dans les rues, après le départ du Président Jovenel Moïse, disent-ils.